Historique des clochers comtois

L'histoire des clochers comtois dits à "l'impériale" prend naissance à Florence au XIVème siècle et XVème siècle. Ce style ne parviendra en Comté qu'un siècle plus tard à la collégiale de Dôle, alors capitale de la province. Mais la véritable période de construction débute au lendemain de la conquête française, de 1668 à 1674, durant laquelle bon nombre des édifices de culte furent endommagés), et provoque un tel enthousiasme que ce modèle devient le symbole de l'architecture religieuse comtoise.

Le clocher-porche, modèle le plus répandu dans la région, est situé sur la façade ouest de l'église . Il symbolise le seuil entre les deux mondes de la vie terrestre et céleste.

Le dôme à l'impériale , en courbe et contre courbe a 4 faces dont les angles sont marqués par des arêtiers en métal. Il est surmonté d'un globe, d'un piédouche ou d'un lanternon, de la croix et du coq, éléments avant tout symboliques. Si la structure de base est la même, ces clochers ne sont pas tous identiques : certains sont étirés en hauteur ou au contraire semblent écrasés, d'autres s'arrondissent en demi-sphère…(Voir des exemples) Mais la plus grande diversité réside dans leur couverture.

Autrefois, le fer blanc, production typiquement locale, recouvrait bon nombre de clochers. Mais, il a été peu à peu remplacé par d'autres matériaux. Les églises comtoises se singularisent aussi par l'usage abondant de tuiles vernissées polychromes (voir ci-dessous).

Dans la pure tradition, les motifs les plus courants sont les "chevrons" (Romain, Rougemont, Palais Granvelle à Besançon, Mercey-le-Grand et les "losanges" (Montfaucon, Auxon-Dessus, …) Il en existe d'autres comme les "fleurettes" (Ferrières-des-Bois, Vercel), les "bandes horizontales" (Vellevans) ou "mouchetés" (Byans-sur-Doubs, Pugey, …) ou encore en bois (église Saint-François-Xavier à Besançon, basilique de Gray, …). On découvre aussi des motifs totalement abstraits (Vuillecin, Roulans, ...) Voir des exemples

L'harmonie colorée discrète des clochers entre en complicité avec le paysage tout en assurant avec le jeu graphique du piédouche et de la croix, une fonction de signal.

Beaucoup de clochers ont été restaurés depuis leur construction. L'introduction de matériaux modernes et un certain oubli des règles d'architecture religieuse entraînent quelquefois des dissonances qui rompent l'harmonie originelle : couleurs trop contrastées, position de l'horloge sur le dôme même. Aussi, une importante étude de tous ces critères précède généralement une restauration de qualité…ce qui explique la supériorité esthétique de certains clochers !

En 1980 l'architecte Philippe Lamboley avait recensé 257 clochers comtois dans le Doubs, 277 dans la Haute-Saône, 124 dans le Jura et 7 dans le Territoire de Belfort soit un total de 665 ce qui représentait plus du tiers des communes de Franche-Comté. Ce nombre augmente réguièrement par la suite des restaurations et rénovations.

Informations tirées des documents : Doubs Magazine, Clochers Comtois, Clochers de Franche-Comté. (Cf. bibliographie)


Les tuiles vernissées

L'appellation "tuile vernissée" prête à confusion car la couverture n'a rien à voir avec ce qu'on appelle communément un vernis.

Les tuiles des clochers de Franche-Comté sont plates, moulées à l'origine à la main dans une forme rectangulaire en bois, puis mises à sécher à l'air libre. Après séchage, les tuiles cuisent une première fois plusieurs heures à haute température, légèrement au-dessus de 1000°. Elles prennent alors leur couleur rousse caractéristique mais restent poreuses.

Pour les imperméabiliser et les colorer, elles étaient autrefois recouvertes d'une "glaçure" liquide à base de sable et de plomb, puis recuites à 980°. En fondant, la glaçure formait une pellicule de verre transparente, imperméable et résistante, ayant un aspect de vernis. Par la suite se sont ajoutées des glaçures à base d'étain (dites glaçures stannifères, aussi appelées "émail") qui offrent plus de possibilités de teintes. Qu'il s'agisse de glaçures plombeuses ou stannifères, les couleurs sont obtenues par l'ajout à la glaçure de sels minéraux (le cuivre et le chrome donnent des verts, le manganèse des tons bruns rosé, etc.).

Autrefois les cuissons avaient lieu dans de grands fours à bois, aujourd'hui les fours tunnel à gaz sont privilégiés dans les tuileries industrielles.

Authume, photo M. MorlinVallerois-le-Bois, photo B. LamblinLa technique de la terre vernissée remonte à la fin du XIIème siècle en Ile-de-France et en Normandie pour un usage culinaire. Elle s'est appliquée aux tuiles dans l'est de la France au cours du XIVème siècle, avec la couverture polychrome de châteaux (Tonnerre), cathédrales et églises (Saint-Bénigne et Saint-Etienne à Dijon). Très chère car artisanale et exigeant beaucoup de bois pour la cuisson, la tuile vernissée était réservée aux édifices prestigieux et ne décorait que les parties du toit les plus visibles. C'est aussi pour cette raison que la moitié de la tuile recouverte par celle du dessus n'était pas glaçurée, ce qui donnait des tuiles bicolores (une moitié de tuile en terre cuite nue, masquée, et une moitié exposée, "le pureau", colorée). Chaque tuile étant percée de deux trous dans le haut, permettant de la fixer sur les liteaux par clouage ou ligature. Les motifs sur les toits étaient réalisés par juxtaposition de tuiles comme dans une mosaïque.

Leur emploi lors de la reconstruction des églises comtoises au XVIIIème siècle répondait à la fois au besoin de résister aux intempéries et à la fierté de montrer la richesse de la commune. Les diverses formes utilisées -rectangulaire, en écaille, en fer de lance, en queue de castor, etc.- permettaient également de se démarquer de la commune voisine.

Autrefois, seuls les tons jaune, noir et vert étaient utilisés; les premiers toits polychromes étaient bien moins colorés que les toits actuels, devenus l'emblème touristique de la région Bourgogne Franche Comté. Les décors de tuiles vernissées, très à la mode dans toute la France aux XIVème et XVème siècles ont failli disparaitre ensuite, sauf en Bourgogne et Franche Comté où la tradition architecturale est toujours restée vivace, ainsi qu'en Suisse. C'est l'industrialisation au XIXème siècle qui a relancé la tuile vernissée en faisant baisser son coût de production et en proposant une palette enrichie de teintes et tailles de tuiles. Son essor ne se dément plus depuis, la tuile vernissée est utilisée aussi bien en restauration qu'en architecture moderne.

D. Pernot

Voir ausi un intéressant reportage consacré aux tuiles vernissées en Bourgogne sur le site de FR3 Bourgogne-Franche-Comté.